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Andrieu Valérie

Disciplines : Paléoécologie
Poste et institution de provenance : Maîtresse de conférences, Aix Marseille Université et Institut Méditerranéen de Biodiversité de d’Ecologie
Type de résidence : Congé-recherche
Programme de recherche : Méditerranée
Période de résidence : Février – Juillet 2022

Projet de recherche

Des proto-CEREALes, à Marseille, Il y a 1 Ma.

Résumé du projet

Il y a 1 Ma (million d’année), une vague migratoire venue de l’est et comportant des hommes (des homo erectus) et des animaux (des grands mammifères), déferlait sur la rive nord méditerranéenne avec pour objectif la conquête de nouveaux territoires. A cette époque, les territoires qu’ils visaient pour assurer leur survie étaient des milieux humides, de véritables oasis de vie et de nourriture potentielle au sein d’un environnement méditerranéen globalement aride.

Le travertin de Marseille fut, comme la grotte du Vallonnet dans la région de Nice ou l’abri sous roche de Lacèbe-Lézignan en Languedoc, un des sites favorables à l’accueil des troupeaux de grands mammifères et des homininés qui suivaient les troupeaux pour s’en nourrir. Ces trois sites sont les seuls datés de 1 Ma ayant potentiellement été fréquentés par des populations d’homininés.

Le travertin de Marseille est le plus mal étudié et les études les plus récentes menées sont celles de Gaston de Saporta (Saporta, 1864), un célèbre paléobotaniste aixois qui a mis pour la première fois en évidence une végétation ancienne comportant des plantes qui n’existent plus de nos jours à l’état naturel dans le bassin de Marseille, mais que l’on retrouve en partie dans les îles macaronésiennes (dont les îles Canaries), au large de la Mauritanie.

Il y a deux ans, j’ai travaillé sur le vaste complexe travertineux de Denizli, dans le sud-ouest de la Turquie, un site où un magnifique fragment de crâne d’homininé a été découvert et daté par un laboratoire de recherche marseillais (le CEREGE) entre 1,2 et 1,6 Ma (Lebatard et al., 2014). J’ai également travaillé sur le site lacustre proche d’Acigöl où un sondage exceptionnellement long, 600 m au total, a été effectué.

Dans les deux sites, j’ai mené à bien des analyses polliniques dans le but de reconstruire les environnements, les climats et le régime alimentaires potentiel de la faune mammaliennes dont les homininés (Andrieu-Ponel et al., revue en cours).

En parallèle, mes collègues géologues ont fait des mesures géomagnétiques afin de dater le remplissage sédimentaire d’Acigöl (Demory et al., 2020). Les résultats sont vite tombés : Acigöl était une archive exceptionnelle datée de 2,3 Ma à la base et elle regorgeait de pollen qui allaient nous permettre de reconstruire les paléopaysages au sein desquels évoluaient les populations d’homininés, mais aussi avant et après leur arrivée, dans une zone si propice à la vie du Moyen-Orient et qui a vu l’émergence de l’agriculture, il y a un peu plus de 10 000 ans.

Au sein des assemblages polliniques, des pollens de proto-céréales et des spores de champignons coprophiles ont été découverts (Fig. 1), depuis la base de l’archive d’Acigöl, soit 2,3 Ma. Les champignons coprophiles accomplissent leur cycle biologique dans les excréments des grands mammifères et ils sont un bon indicateur de la présence de ces animaux (Baker et al., 2013). Les travertins de Denizli ont également livré du pollen de proto-céréales et des spores de champignons coprophiles dans des niveaux contemporains de la présence d’un Homo erectus (1,2 – 1,6 Ma).

Cette conjonction nous a conduit à proposer l’hypothèse suivante pour expliquer la présence de pollen de proto-céréales à un époque aussi ancienne : par le broutage, le piétinement et l’enrichissement en azote des sols, les troupeaux de grands mammifères ont pu favoriser la mutation génétique des graminées sauvages et entrainer l’apparition des céréales dites « proto-céréales » car les périodes concernées sont très anciennes.

L’homme devenu agriculteur il y a 10 000 ans ne serait pas responsable de cette mutation mais celle-ci serait naturelle et résulterait de perturbations itératives de prairies humides par des troupeaux de grands herbivores (Andrieu-Ponel et al., revue en cours). Mes découvertes permettent de remettre en question le paradigme du Néolithique selon lequel l’homme, devenu agriculteur, aurait favorisé l’émergence des céréales en choisissant, pour les cultiver, les plants de céréales les mieux venus.

Biographie

Valerie Andrieu est Paléoécologue et maîtresse de conférences à Aix Marseille Université et à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité. Elle enseigne aussi des classes de Master à Sfax et à Tunis, en Tunisie.

Mme Andrieu possède une longue expérience palaeoenvironnementale en France et dans le bassin Méditerranéen.

Elle a mené pendant sa carrière 85 projets de recherche, nationaux et internationaux, et a publié plus de 173 articles scientifiques.

Le projet ANR (FOOD-REsources, climate and large herbivores long term interactions within a Mediterranean ecosystem) qu’elle vient d’obtenir avec son consortium international lui permettra d’étendre à l’ensemble de la rive nord de la Méditerranée ses investigations sur les environnements des premiers homininés et l’origine des céréales.

Appels à candidature

Les résidences de recherche que propose l’Iméra, Institut d’études avancées (IEA) d’Aix-Marseille Université, s’adressent aux chercheurs confirmés – académiques, scientifiques et/ou artistes. Ces résidences de recherche sont distribuées sur quatre programmes (« Arts & sciences : savoirs indisciplinés », « Explorations interdisciplinaires », « Méditerranée » et « Utopies nécessaires »).