A l’Iméra, les recherches menées par plusieurs résidentes — l’artiste Josune Urrutia Asua, l’anthropologue et photographe Carole Baudin et l’anthropologue et dessinatrice Aina Azevedo —partagent le potentiel de médiums artistiques, tels que le dessin et la chorégraphie, en tant qu’outils épistémologiques, avec des communautés socio-professionnelles diverses (chercheurs et chercheuses en cancérologie et immunologie, anthropologues, danseuses et danseurs, chorégraphes, expertes et experts du travail, vigneronnes et vignerons, dessinatrices et dessinateurs, etc.). Ces dernières sont parfois très éloignées du champ artistique mais constituées de personnes curieuses et parfois de chercheuses chercheurs créatif.ve.s de par leur engagement même dans des démarches interdisciplinaires.
Carole Baudin, Josune Urrutia Asua et Aina Azevedo : une exposition interdisciplinaire à l’Iméra
L’exposition conjointe aura lieu à la Maison des Astronomes d’Iméra, à partir du 3 juin pour Carole Baudin et du 10 juin pour Josune Urrutia Asua, jusqu’au 14 juin. Si vous voulez visiter les expositions du 10 au 14 juin, nous vous prions de contacter directement Carole Baudin à l’adresse : carole.baudin.n@gmail.com et Josune Urrutia Asua à l’adresse : josunene@gmail.com.
Un espace d’expérimentation interdisciplinaire
A ce stade de la recherche, il s’agit d’abord d’expérimenter, en créant les possibilités de dialogue avec les communautés académiques, artistiques et professionnelles dans le cadre d’ateliers de travail où l’on dessine, danse, partage des connaissances, des regards et des méthodes, et au travers de rencontres plus informelles dans les espaces de travail des uns et des autres : laboratoires de recherche, hôpitaux, studios de danse en ville, un atelier installé dans l’Iméra, vignes, etc. Ce sont ces processus de recherche, de co-construction d’outils épistémologiques, où la danse ou le dessin jouent un rôle essentiel et catalyseur, qui sont partagés dans ces deux accrochages, l’un associé à la table-ronde « Transitions sensibles. Gestes du travail et danse » organisé par Carole Baudin et l’autre associé aux portes ouvertes de l’atelier de Josune Urrutia Asua & Aina Azevedo.
Immergés dans des pratiques corporelles ou/et engagés dans un dialogue régulier ou ponctuel avec une pratique artistique, réfléchissant par exemple à leurs propres systèmes de saisie et de restitution de la part sensible de leurs objets de recherche, les parties prenantes sont invitées à regarder autrement leur discipline, pratiques et fondamentaux par rapport à leur impact social sur, par exemple, les groupes humains concernées, ou par rapport à la réception de leurs travaux par un public plus large. Dans tous les cas, pour revenir aux projets interdisciplinaires et indisciplinés présentés dans ces deux expositions, ceux-ci démontrent que ces outils épistémologiques co-construits peuvent permettre respectivement d’humaniser des données scientifiques dans le milieu médical et de mieux saisir et transmettre les dimensions sensibles du monde travail en mutation. Dans ces deux cas, le corps et ses transformations sont au centre des recherches de ces deux résidentes, s’agissant de deux domaines se prêtant particulièrement à une approche incarnée.
L’émergence d’outils épistémologiques : une ambition du programme Arts et Sciences de l’Iméra
Parfois, il arrive même que le dessin soit un compagnon de longue date d’une discipline comme c’est le cas du dessin ethnographique que Aina Azevedo, également résidente à l’Iméra, pratique en tant qu’anthropologue. Elle propose de mettre en avant la multiplicité des possibilités et des contextes qui sont trop peu explorés à ce jour, alors qu’ils se structurent depuis le 19ème siècle. A l’échelle de ces pratiques qui se croisent à l’Iméra, on peut alors se demander : et si les outils épistémologiques qui émergent dans le cadre de ces résidences de recherche s’instituaient à leur tour et gagnaient en intensité de par leurs appropriations par d’autres actrices et acteurs de la recherche que celles et ceux qui les expérimentent à présent ? Evidemment, ce potentiel peut se développer en priorité dans un cadre collectif, associant les savoirs artistiques, scientifiques et des savoir-faire professionnels divers. Son horizon serait la transmission de ces outils dans des projets pas forcément initiés par une dessinatrice ou une anthropologue également photographe ou dessinatrice, mais qui feraient appel à ces compétences et à celles et ceux qui les développent.
Cette ambition est pleinement soutenue par le programme « Arts et sciences : savoirs indisciplinés » de l’Iméra dont les retombées peuvent bénéficier à l’ensemble des programmes de l’institut, voire venir en soutien des recherches de résidentes et résidents qui ne sont pas nécessairement accueilli.e.s en son sein. La réflexion sur l’apport de l’art à la connaissance et aux savoirs, tous médiums confondus, fructifie à l’Iméra depuis que l’institut existe et s’y épanouit en contact étroit avec les autres champs de recherche qui y sont soutenus, ce qui est renforcé par sa transversalité même. En effet, chacune des chaires qui la constituent est aussi intégrée à l’un des trois autres programmes de l’institut : « Méditerranée », « Utopies nécessaires » et « Explorations interdisciplinaires ». Ainsi, si les recherches-création soutenus par l’Iméra font l’objet d’un engagement institutionnel structuré au travers d’un programme dédié, les résultats qu’elles génèrent peuvent être partagés au sein d’une communauté interdisciplinaire élargie.