Crédit : Andonian Timothée / Iméra
Krause Robert
Projet de recherche
Le revenu de base inconditionnel : vers une histoire culturelle et intellectuelle d’une utopie nécessaire
Résumé du projet
La pandémie de Corona a radicalement changé de nombreux éléments de la société, y compris les conditions de travail. Face aux fermetures d’entreprises, aux pertes de revenus et au chômage partiel, mais aussi à l’incompatibilité du travail à domicile et de l’enseignement à domicile, la revendication d’un revenu social de base se fait de plus en plus entendre.
Le 19 mars 2020, le PEN Center Allemagne a déjà approuvé la proposition de lancer un « revenu de base pour les artistes créateurs indépendants » de manière « rapide, non bureaucratique et efficace », comme l’a demandé la créatrice de mode berlinoise Tonia Merz dans une pétition. Ce revenu de base doit couvrir au moins une période de six mois. Dans une autre pétition adressée au ministre fédéral des Finances, Olaf Scholz, signée par 290 300 personnes, le contre-ténor indépendant de Leipzig, David Erler propose également des « fonds relais non bureaucratiques », par exemple un «revenu de base temporaire (inconditionnel)» pour «les indépendants et artistes créateurs». Ceux-ci vivent « à la limite du niveau de subsistance de toute façon, mais l’actuelle annulation massive des événements menace de les pousser au-delà de ce seuil ». En réaction, France Culture pose la question : « Le revenu universel pourrait-il avancer en France ?»
La crise de Corona menace de pousser de nombreux artistes créateurs au chômage et ainsi d’appauvrir considérablement le paysage artistique et culturel. Quoi qu’il en soit, au moins les artistes créateurs, tout comme les (autres) intellectuels, disposent également de moyens d’expression particuliers pour attirer l’attention sur l’importance immense, à peine quantifiable, de l’art et de la culture pour la société. Afin de comprendre les débats sur le Revenu de Base Inconditionnel, chacun devrait également considérer son histoire culturelle et intellectuelle. Cette histoire n’est toujours pas écrite (cf. Kovce, Priddat 2020 : 25, 38). Le présent projet s’en occupe maintenant. Au vu des nombreuses sources intéressantes, la démarche sera exemplaire et comparative. L’accent est mis sur deux penseurs différents de l’utopie et pionniers du revenu de base inconditionnel : André Gorz (1923-2007) et Joseph Beuys (1921-1986). Tous deux appartiennent à la même génération. L’examen de leurs écrits et de leurs contextes thématiquement pertinents aide à comprendre le revenu de base inconditionnel comme un telos qui traverse les frontières entre les pays, les camps politiques et les genres littéraires et peut être considéré comme une utopie nécessaire.
Le présent projet est orienté vers l’histoire culturelle et intellectuelle. Il fait suite aux précédentes publications de M. Krause sur l’histoire culturelle du loisir et de l’oisiveté aux XIXe et XXe siècles (Krause 2021) et sur les concepts utopiques de la théorie critique précoce (Krause 2016), ainsi qu’aux recherches collaboratives actuelles sur la relation entre la participation politique et le revenu de base inconditionnel à l’Institut d’études sur le revenu de base de Fribourg (https://www.fribis.uni freiburg.de/project/participation-bge/). La poursuite du développement de ces idées et des travaux de projet dans le cadre de l’Iméra contribue au dialogue interdisciplinaire franco-allemand sur le revenu de base inconditionnel. Sebastian Hüsch, Nicole Colin et Catherine Teissier, professeurs de culture allemande et d’histoire des idées à l’Université Aix-Marseille, sont des partenaires locaux de la coopération. Leurs projets de recherche sur l’ennui comme phénomène de modernité (Hüsch 2014) et sur « Travail en crise » (Colin / Teissier 2022/23) offrent des repères intéressants à l’intérêt épistémologique et socioculturel du projet pour le Revenu de Base Inconditionnel comme utopie nécessaire. Une coopération avec l’Atelier de recherche Travail et Libertés (ArTLib) est également prévue.
Biographie
Robert Krause est professeur agrégé (« Privatdozent ») de littérature allemande moderne et comparée à l’Université Albert Ludwig de Fribourg et chercheur associé à l’Institut d’études sur le revenu de base de Fribourg (FRIBIS). Il a obtenu son doctorat à l’Université de Fribourg en 2009 avec une thèse consacrée au phénomène d’acculturation dans l’écriture en exil après 1933 (publiée par les éditions text+kritik : Munich 2010). Son livre suivant, son mémoire d’habilitation, était consacré à une analyse socioculturelle des représentations du travail et des loisirs dans la littérature et la philosophie allemande et française du XIXe siècle (éditions Metzler : Berlin 2021). Il est entre autres co-éditeur du « Jahrbuch zur Kultur und Literatur der Weimarer Republik » (édition text+kritik) et éditeur invité d’un numéro spécial sur les Constellations françaises de Walter Benjamin (Lendemains 2021).
À Fribourg, il a participé à plusieurs projets de recherche, dont le domaine de recherche spécial de Fribourg « Loisirs » (en 2013/2014) et un projet sur le lien entre le revenu de base inconditionnel et la participation politique (https://www.fribis.uni-freiburg.de/project/participation-bge/) ainsi qu’un projet à Berne sur les sources de l‘Œuvre d’art de Walter Benjamin (en 2019). Il a également été chercheur à Paris (automne 2016). Robert Krause s’intéresse à la modernité européenne des XIXe et XXe siècles, à la République de Weimar, à l’exil et à la migration, ainsi qu’à l’histoire du travail et des loisirs. Ses recherches portent sur les études culturelles, l’histoire intellectuelle, la théorie critique et les études de littérature comparée.