guessous nouzha iméra 19 20

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Guessous Nouzha

Disciplines : BiologieDroit
Poste et institution de provenance : Chercheure et Consultante en Droits Humains et Bioéthique
Type de résidence : Résidence de recherche
Chaire : Chaire A*Midex / Iméra – Averroès : L’Islam méditerranéen
Programme de recherche : Méditerranée
Période de résidence : Septembre 2019 – Juillet 2020

Projet de recherche

Femmes en contextes musulmans contemporains: Impacts des progrès biotechnologiques sur les pratiques, les normes et les valeurs en vigueur

Résumé du projet

Les dernières décennies ont vu s’accumuler des travaux académiques sur des thèmes tels que islam et modernité, islam et droits humains, islam et bioéthique, islam et pluralisme ;  ainsi de suite. En même temps, des enquêtes de terrain ont été menées sur ces questions dans des contextes musulmans, visant à explorer les opinions, les pratiques et les valeurs de différentes composantes des populations face aux normes en vigueur. L’originalité du présent projet consistera  à faire converger les deux démarches sur quelques exemples de développements biotechnologiques et leurs impacts sur le statut et les droits des femmes ; et ce en analysant conjointement  le contenu et les fondements des normes en vigueur, ainsi que les évolutions des attitudes et des valeurs relatives à ces questions. L’objet général de cette recherche sera de réfléchir et d’avancer des ébauches d’analyses et de conclusions sur l’impact de la mondialisation des progrès biotechnologiques sur l’architecture des rapports de genre dans des contextes musulmans contemporains. Je travaillerai plus spécifiquement sur le cas du Maroc.

La bioéthique en tant que branche de la philosophie des droits humains ne peut ignorer l’incidence des nouvelles technologies biomédicales sur la condition féminine du fait de leur impact sur les fondamentaux de la vie elle même de la conception à la naissance à la mort en passant par la santé en général et la santé génésique en particulier. Très tôt, la bioéthique. En effet, la contraception puis les nouvelles technologies de procréation ont bouleversé la sexualité ; la filiation et la parentalité ; domaines qui sont en pleine mutation. Il s’en est suivi un bouleversement des rapports de genre et de l’architecture familiale qui ont remis en question les statuts juridiques et sociaux des femmes en particulier.

De plus,  ces nouvelles biotechnologies soulèvent de nombreuses questions éthiques en ce qu’elles peuvent engendrer comme nouvelles formes de discrimination et de contrainte sur les femmes. Dans des configurations historiquement et socialement enracinées dans les traditions et cultures musulmanes, aujourd’hui de plus en plus connectés à d’autres cultures, vivant des processus plus ou moins avancés de sécularisation avec des lois à référentiels multiples ;  ces nouvelles possibilités biomédicales et biotechnologiques qui se sont mondialisées, viennent interpeller les valeurs et les normes sociales et juridiques extraites et déduites des traditions religieuses. De fait, elles se trouvent  mises au défi de devenir obsolètes ; à moins d’une continuelle et « perpétuelle réinvention de la tradition » aujourd’hui pensée – entres-autres- en termes d’approches historiques, contextualisées et pluralistes du religieux.

Vu la temporalité différente de l’évolution des pratiques par rapport aux normes et aux valeurs qui les sous-tendent, il s’agira dans ce travail, d’identifier et d’analyser et de comparer les modes « d’accommodements» mis en œuvre au Maroc en particulier (avec une composante de comparaison avec d’autres pays musulmans) pour faire face à ces nouvelles réalités en cours ou potentiellement possibles. Il s’agira concrètement de réfléchir sur les nouvelles réalités concernant les  questions relatives à la sexualité, la procréation et la filiation à la lumière  des nouvelles biotechnologies existantes, pour déconstruire, analyser et ébaucher des conclusions concernant leurs impacts sur les femmes et les sociétés de culture musulmane.

Pour cela, il s’agira entre-autres d’ébaucher des réponses et de proposer des conclusions aux questions suivantes:

Comment est ce que les pratiques individuelles évoluent sous l’impulsion de ces nouvelles biotechnologies ?
Comment ces nouvelles possibilités bousculent, interpellent et peuvent remettre en question voire façonner les rôles et les rapports entre les femmes et les hommes au sein de la famille et dans la société en général (rapports qui sont eux même imbriqués dans des rapports de classe, d’âge / générations et de milieu de résidence);
Comment est ce que les normes sociales et juridiques historiques en vigueur ainsi que les valeurs qui en font le lit ; interagissent, tolèrent, adaptent ou intègrent ces nouvelles biotechnologies en contexte musulman,
Quel impact cela produit-il sur les rapports traditionnellement hiérarchisés du « sacré et du profane », respectivement représentés par les normes sociales et juridiques traditionnellement d’essence religieuse donc éternelles d’une part; et les normes dites universelles qui sont continuellement évolutives d’autre part ; 
Quelles réponses, réfléchies ou « bricolées », sont élaborées et/ ou mises en œuvre pour prendre en compte au plan juridique la réalité sociale nouvelle qui en découle, et faire face à « l’écart insurmontable» qui se creuse avec les normes en vigueur ;  
Comment agit la pluralité des référentiels sur les pratiques, es normes  et les valeurs ; entre les référentiels socio-religieux et ceux des textes universels auxquels les états peuvent avoir souscrit. S’agit-il alors d’une  supperposition, et/ou «interfécondation», entre les référentiels ?

A travers une identification de problématiques particulières, le travail consistera à analyser et comparer les capacités des sociétés musulmanes contemporaines à reconnaître, faire face et réagir à ces réalités nouvelles (présentes ou potentielles) qui peuvent être insatisfaisantes ou non conformes aux mythes du paradis perdu et à celui du paradis futur. Cela se fera par des approches historiques et sociologiques des actions et des discours de tous bords (traditionaliste, islamiste radical ou éclairé, séculier ou laïc) qui rendent observables les aléas et fluctuations de ces réponses face à l’accès aux innovations biotechnologiques et/ou à l’exposition à l’universalisme des principes et des lois en matière de droits humains.

L’objet principal du travail portera sur les problématiques de procréation, maternité, et filiation.

Cela passera par :

 La contextualisation des questionnements bioéthiques et de droits humains par le recours comparé aux approches dites universalistes et à celles dites islamiques.
Le travail sur les thématiques générales passera nécessairement par l’abord des sous-axes suivants (liste non définitive ni limitative) :  

Sexualité et corps des femmes en contextes musulmans contemporains : corps autonome / corps social identitaire / corps cobaye, objet de marchandage et de bricolage entre le religieux, le patriarcat et les biotechnologies.
Maternité et procréation : enjeux, contraintes, risque et dérives de la procréation médicalement assistée
Naître fille à l’aune des technologies de sélection du sexe
Femme ou mère: du discours apologétique et des réalités de statuts, droits et citoyenneté des femmes.
Filiation et parentalité dans et hors mariage 

Dans l’esprit de dialogue et de pluridisciplinarité qui caractérise l’Iméra, et  dans la continuité de la transdisciplinarité qui caractérise mon parcours;  je m’attellerai durant ce séjour de recherche à travailler en partenariat avec des experts ; et aussi avec de jeunes chercheur.e.s, notamment en Histoire, anthropologie, histoire des religions et de la pensée islamique. J’y inviterai et tenterai d’y associer des partenaires internationaux en bioéthique universaliste et en bioéthique islamique, pour, collectivement et par une démarche pluraliste et pluridisciplinaire.

Appels à candidature

Les résidences de recherche que propose l’Iméra, Institut d’études avancées (IEA) d’Aix-Marseille Université, s’adressent aux chercheurs confirmés – académiques, scientifiques et/ou artistes. Ces résidences de recherche sont distribuées sur quatre programmes (« Arts & sciences : savoirs indisciplinés », « Explorations interdisciplinaires », « Méditerranée » et « Utopies nécessaires »).