Baudin Carole
Projet de recherche
Transitions sensibles
Résumé du projet
Le projet de recherche de Carole Baudin à l’Iméra, Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université, vise à explorer les dimensions sensibles du travail en mutation. En utilisant une approche interdisciplinaire, l’étude met en lumière l’impact des transformations sur les perceptions, les sensations et les sensibilités impliqués dans les pratiques professionnelles.
Redéfinir le sens du travail à l’ère des transformations
Depuis les dernières années, diverses dynamiques telles que de nouvelles formes de gouvernance et de gestion des entreprises, la digitalisation, la transition environnementale et la territorialisation, ont profondément perturbé le monde du travail. Pour de nombreuses personnes, ces changements ont remis en question le sens même de leur métier, soulevant des interrogations ontologiques, épistémologiques et méthodologiques. Cependant, peu de recherches ont jusqu’à présent examiné en profondeur cette question du sens dans le contexte des évolutions professionnelles.
Le Projet « Transitions Sensibles » : Explorer les Dimensions du Sens
Le projet de recherche « Transitions Sensibles », dirigé par Carole Baudin à l’Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université (Iméra), part de l’hypothèse que les transformations en cours dans le monde du travail impactent profondément les dimensions « sensibles » du travail. Cette notion fait référence à la part des sens et du sens impliquée dans l’activité professionnelle. Dans cette optique, le projet propose une approche novatrice en réunissant l’ethnologie, l’ergonomie centrée sur l’activité et les disciplines artistiques, comme la danse et la photographie, pour saisir, analyser, interpréter et intervenir sur les dimensions sensorielles, perceptives et sensibles présentes dans les métiers en évolution.
Une Approche Interdisciplinaire pour Comprendre le Changement Sensible
Depuis près de deux décennies, Carole Baudin explore les liens entre le corps et la technique dans différentes activités médiatisées. En étudiant notamment la transition numérique dans le monde du travail, elle a établi des ponts entre les disciplines artistiques et les sciences. En particulier, la danse et la photographie se sont avérées être des outils précieux pour saisir et transmettre le sensible. Cette approche interdisciplinaire permet de développer des concepts et méthodes pour étudier les aspects « volatiles » et peu explorés des expériences sensibles en évolution.
Les Métiers en Mutation et les Dimensions Sensibles
Le cœur du projet « Transitions Sensibles » consiste à étudier en profondeur les métiers en transition et à identifier les changements au niveau sensoriel et perceptif. Carole Baudin se concentre particulièrement sur les professions agricoles, telles que les vignerons, qui font face à des enjeux multiples liés à la digitalisation, à la mécanisation et aux pressions économiques et environnementales. En étudiant ces métiers sous l’angle des dimensions sensibles, le projet vise à révéler les transformations subtiles et profondes qui affectent non seulement les pratiques professionnelles, mais aussi la relation à la nature et au travail lui-même.
L’Art de Comprendre le Sensible du Travail
Le projet se décompose en deux volets complémentaires. Le premier volet met en œuvre une étude interdisciplinaire de terrain où danseurs et photographes analysent les gestes et les pratiques professionnelles en mutation. Ces analyses contribuent à approfondir la compréhension des dimensions sensibles engagées dans le travail. Le deuxième volet se concentre sur la méthodologie, visant à développer des « technographies » spécifiques pour décrire et analyser ces dimensions sensibles. Des ateliers de co-construction rassembleront chercheurs, praticiens et acteurs du secteur pour élaborer des outils et des approches transformateurs prenant en compte l’évolution des réalités sensibles dans le travail.
Le KLAP, maison de la danse, est partenaire de recherche de ce projet.
Biographie
Après une formation en génie mécanique puis en ingénierie de l’innovation, lors de laquelle, elle a approfondi l’ergonomie de conception et le design sensoriel, Carole Baudin s’est naturellement acheminée vers l’anthropologie sociale avec l’objectif d’étudier et d’intégrer les dimensions humaines et sociales dans les processus et pratiques d’innovation.
Au début des années 2000, dans sa recherche doctorale, menée au sein du laboratoire d’Ethnologie des Mondes contemporains de Paris VII, elle réinvestit les princeps de l’ethnométhodologie et de la cognition située et incarnée pour mieux comprendre les dimensions sensibles à l’œuvre dans les pratiques d’usage et de conception de l’usage par les ingénieurs, tout en travaillant comme consultante pour de nombreux groupes industriels et institutions.
Par la suite, elle a concentré ses travaux de recherche, dans une visée toujours transformative, sur les dimensions perçues et les liens sensibles qui se trament dans les activités humaines médiatisées par les systèmes techniques.
Que ce soit durant les 10 années passées au sein de l’Université de Santiago du Chili comme professeure et responsable de la filière « Technologie en Design Industriel », ou, ensuite, comme professeure puis responsable du laboratoire de recherche en Anthropotechnologie au sein de la Haute École d’Ingénierie de Neuchâtel en Suisse, tous ses projets de recherche-intervention l’ont amenée à développer une approche anthropologique et sensible des dynamiques industrielles, techniques et sociales nourrie de terrains et de thématiques contrastés.
Aujourd’hui, enseignante – chercheure au sein de la HES SO en Suisse, elle est membre associée au laboratoire de recherche Santé et Société (LaReSS) de la Haute École de Travail Social de Lausanne et chargée d’enseignement à la Haute École d’Yverdon-les-Bains. Elle développe par ailleurs une partie de sa recherche de manière indépendante, dans un mouvement fluide entre les communautés de recherche ergonomique et anthropologique et les mandataires et partenaires de projets.
Dans une démarche ethnographique de l’activité, elle convoque les principes de l’anthropologie des techniques et d’une anthropologie du corps et des sens, visant à remettre le primat du corps sentant, pensant et agissant au cœur de l’analyse et de l’intervention sur les systèmes sociotechniques. Cette approche se développe désormais au croisement des disciplines, provoquant d’heureux frottements théoriques et méthodologiques entre l’univers de la danse, de l’ingénierie, de l’ergonomie, de la photographie et de l’ethnographie sensible dans une exploration de nouvelles formes d’écriture des dynamiques sociales.