La parole au travail est une série documentaire de Christophe Massot, ayant été diffusée sur Radio Grenouille de 2015 à 2019. Elle invite à nous rapprocher de la réalité du travail de divers métiers, de « Tatas » en école maternelle, à l’Urgentiste en passant par les Forains du marché de la Plaine à Marseille.
La parole au travail, une série documentaire de Christophe Massot
Retrouvez ici la playlist complète de la série sur Soundcloud.
Focus
Dans cette émission de la Parole au Travail, écoutons deux ATSEM de la Ville de Marseille, deux Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles. Deux « Tatas » comme on dit ici.
Un métier, presque exclusivement féminin. Elles assistent l’enseignant pour l’accueil et l’hygiène des enfants, c’est l’aide pédagogique. Elles assurent la propreté des locaux et du matériel de la classe, c’est l’aide technique. Elles assurent le service et le rangement du réfectoire à midi. Elles sont intégrées à l’équipe éducative des écoles. Et présentes dans l’école tout le long de la journée et parfois pendant les activités périscolaires, elles possèdent pour de nombreux enfant la figure d’un adulte de référence Elles sont aujourd’hui près de 60 000 en France. Leur rémunération varie de 1200 euros en début de carrière à un peu moins de 1700 euros en fin de carrière, pour une carrière complète.
Mais plutôt que de parler chiffres, constats généraux, histoire, d’alliances politiques, économie publique etc., allons voir le travail tel qu’il se déroule, tel qu’il se tient dans les écoles. Que disent les ATSEM de ce qu’elles font dans les écoles maternelles. Que pensent-elles de ce qu’elles font ? Et que disent-elles de ce qu’elle ne font pas. Ou plus. Ou mal. Et qu’elles voudraient faire ?
Les forains du marché de la Plaine, ces marchands sédentaires venant le mardi, jeudi et samedi sur la place Jean-Jaures pour vendre vêtements, tissus, alimentation et équipements en tout genre, à des prix défiant, souvent, toute concurrence.
Cette émission est différente des précédentes. D’abord parce que nous n’écouterons pas seulement un ou deux travailleurs. Nous aurons affaire à une voix collective, constituée par de nombreux forains. Ensuite parce que la situation de ce marché de la plaine est critique. La mairie de Marseille, du fait d’un vaste plan de requalification, selon le terme utilisé, du centre de la ville, a choisi de supprimer ce marché.
Nous entendrons ce que pensent les forains des propositions faites par la mairie de Marseille. Nous entendrons ainsi la colère, et le désespoir, de ces forains face à la perspective de l’arrêt d’une activité qu’exerçaient parfois leurs grands-parents. Nous entendrons comment le travail de ces forains participent d’une institution collective dans laquelle le peuple de Marseille se reconnaît. Dans laquelle il reconnaît ses différences.
Entendons la parole collective de ces forains sur leurs métiers et le désespoir de le voir disparaître.
ScopTi est une entreprise particulière. Produisant des infusions et des thés, elle est née en 2014 de la reprise, par ses salariés et après une lutte de 1336 jours, de leur usine, Univelver voulant délocaliser sa production en Belgique et en Pologne, après une première délocalisation du Havre à Gémenos.
Cet ouvrier ne travaille donc pas dans une entreprise appartenant à des actionnaires. Il travaille dans une Scop, une Société Coopérative de Production. Dans une Scop, le pouvoir est distribué en fonction de travail : tout salarié travaillant a une voix lors de l’élection des membres du conseil d’administration et des votes en assemblée générale.
Cette coopérative n’est pas isolée de son environnement, des contraintes des marchés et des coûts de financement. Mais quelles sont les décisions prises par ces salariés pour organiser la production ou répartir les salaires ? Que décident de produire ces coopérateurs ?
Que deviennent le travail et le rapport au travail quand les salariés possèdent leur entreprise ?
Le Carrefour du Merlan. Un hypermarché bien connu des marseillais, surtout ceux qui, résidant dans les quartiers Nord, vont y faire leurs courses. Ces deux salariés viennent nous faire entendre leur vie et leur travail dans ce centre commercial. L’une est caissière, l’autre travaille au rayon charcuterie traiteur.
Tous deux sont effrayés de la transformation de leur entreprise. Parce qu’il s’agit de faire faire le même travail, déjà profondément éprouvant, avec toujours moins de personnel. Parce qu’il s’agit de mettre à l’écart et de faire taire ceux qui ne se résignent pas. Il faut reconnaître le courage de ces salariés osant tenir leur parole malgré les listes noires et les différents chantages de leur encadrement. Malgré la puissance d’un groupe comme Carrefour, premier employeur privé de France. Malgré les 88 milliards de chiffre d’affaires réalisés par le groupe Carrefour en 2017.
Mais ces deux salariés ne parlent pas seulement d’eux et pour eux. Ils veulent faire entendre leur voix mais aussi la voix de ceux qui ne peuvent pas parler. Pour donner une place à l’humain au travail, quand cette place a disparu.
Ecoutons ensemble deux anciens facteurs. Ceux qui viennent distribuer, 6 jours sur 7, nos lettres et nos colis. Ces deux postiers, aujourd’hui à la retraite, se retournent sur leur travail.
Et ils l’ont aimé ce travail. Il les a rendu philosophe. Leur ouvrant des mondes et des portes de nombreux mystères de Marseille. Mais quand ils l’ont quitté, ils ne le reconnaissaient plus. Ils ne s’y reconnaissent plus. S’ils se disent encore postiers, ils refusent de n’être que porteurs de courrier. Courant d’une boite à une autre. Sans le « social », ce lien qui faisait le sel de leur métier.
Avec nous, ils se retournent sur leur ancien métier, sur la lente transformation de leur travail. Écoutons ensemble ce qu’ont à dire ces facteurs à la retraite sur ce qu’a été leur travail de postier.
La DGFIP, de la Direction Générale des Finances Publiques. Le service des impôts autrement dit. Entendons ce qui se passe derrière notre avis d’imposition.
Nous saisirons comment les agents des impôts cherchent à accueillir le public avec le respect dû à tout citoyen pour permettre à l’État de fonctionner. Nous comprendrons pourquoi cela devient difficile tant il s’agit « de désintoxiquer », selon l’expression de la direction, le public de son besoin de rencontrer les agents pour comprendre les mécanismes de l’imposition.
Nous entendrons combien cet abandon est douloureux aux yeux de ces agents, et combien ces derniers se trouvent progressivement contraints à faire un travail dans lequel ils ne se reconnaissent plus.
Mais ce qui restera un mystère, c’est la raison pour laquelle l’Etat lui-même défait ce qui est la condition de son existence.