Rania Stephan, Senior Fellow Iméra, propose une soirée de visionnage de courts-métrages, suivie d’une discussion autour de la fiction spéculative libanaise au cinéma Videodrome 2 le vendredi 20 juin 2025 à 20h30.
Carte blanche autour de fictions spéculatives libanaises
Vendredi 20 juin 2025 à 20h30 au cinéma Videodrome 2 (49 Cours Julien, 13006 Marseille)
« Si l’imaginaire de la science-fiction est trop souvent colonisé par les grands chantres du néolibéralisme, comment cette dernière peut-elle résister ? A rebours des superproductions spectaculaires ou dominantes, elle produit ici des mondes parallèles, des trouées, des contaminations à partir d’une joie de la fabrique du cinéma dans son rapport au temps, au montage, au cadre, à l’archive et à l’invention qu’autorise l’économie de moyens.
Comment s’écrit la science-fiction au Liban ? Pourquoi ce glissement terminologique de la science-fiction aux fictions spéculatives ? Qu’engage-t-il en termes cinématographiques ? Et de mondes ?
Cette programmation offre quelques pistes d’exploration, du fantasme de l’espace vers les réseaux souterrains de nos égouts, dans des modes d’écritures multiples, mais avec cette effronterie de penser que le cinéma est bel et bien une façon de traduire ce qu’on appelle le réel en justice. »
Claire Lasolle, programmatrice au Videodrome 2.
Programme de la soirée
Dans la course à la Lune des années 50, le sentiment d’expansion spatiale était sous-tendu par une sphère domestique ancrée autour du téléviseur. Les femmes étaient ancrées dans ce cadre domestique, tandis que les hommes pouvaient décoller pour explorer l’espace. Il a fallu plusieurs décennies pour que les femmes soient envoyées dans l’espace sur un pied d’égalité.
La première femme à aller sur la Lune dans un film de fiction fut celle de Fritz Lang, La Femme sur la Lune (1929). Dès qu’elle descendit du vaisseau spatial et posa le pied sur la Lune, elle installa sa caméra et commença à filmer. Mais cela n’a pas encore eu lieu. À ce jour, aucune femme n’a posé le pied sur la Lune. Malgré les progrès considérables de la science spatiale et des voyages, la distance entre la réalité de la science spatiale et la science-fiction reste fascinante. Dans cette œuvre, les films et séries télévisées de science-fiction se mêlent à de véritables instructions données aux astronautes d’aujourd’hui, qui passent des heures à visser minutieusement des boulons pour réparer des stations spatiales très sophistiquées.
Entièrement tiré d’un vieux film de science-fiction égyptien intitulé The master of time, réalisé par Kamal el Sheikh en 1987, qui raconte l’histoire d’un scientifique illuminé voulant prolonger la vie humaine, Threshold est construit sur l’intuition que si le film original était vidé de tous ses éléments fictionnels, ne conservant que les plans de transition mettant en scène des portes, des portails et des passages de frontières, il révélerait sa quintessence : son obsession de l’éternité. Bien que l’intrigue soit évacuée du film, la fiction s’infiltre suffisamment pour que le spectateur en saisisse les fils narratifs. Le spectateur rejoint le personnage principal, M. Kamel, en se retrouvant coincé à la fois dans l’espace et dans le temps, réalisant ainsi la prophétie du scientifique.
De son manoir, une jeune réalisatrice exhume Manivelle, un automate offert au Liban en 1945. En se promenant dans Beyrouth, le robot raconte sa tumultueuse histoire, qui est aussi celle de son pays.
Plusieurs objets mystérieux apparaissent dans différents endroits. À l’intérieur se trouvent des lentilles de contact blanches qui offrent des vues d’un monde lointain. Après les avoir essayés, trois personnes décrivent, à travers des témoignages, ce qu’elles ont vu et ressentis.
Guidées par les illustrations d’une botaniste, deux femmes cherchent dans Beyrouth un jardin caché, invisible à l’œil. Le jardin est non localisable, il est en fait partout et nulle part à la fois. Au hasard de la ville et des plans collectés par une caméra parfois affolée, le jardin se découvre. Les plantes font irruption dans les cadres et dans la ville. La cinéaste cherche ce qui subsiste ici, ce qui vit au-delà de la ville ou peut-être qui vivait avant elle ou qui vivrait sous elle. À mesure de la progression, Beyrouth nous parvient par moments comme celle que l’on trouverait après un désastre, après une destruction lointaine. Une ville où la vie reprend, où les trous des explosions auraient été pansés par des plantes vivaces. La caméra fouille, scrute et nous propose peu à peu de voir les plantes comme des créatures ou des apparitions étranges. Elles sont capables de grimper, de ramper, de survivre partout. Un suspense étrange s’installe alors que les deux protagonistes cherchent une créature féline apparue là, entre les fleurs de Beyrouth. Les plantes se chargent elles des inquiétudes de cette ville qui s’est drapée dans une nouvelle vision : les plantes rassurantes sont devenues conspiratrices et entament une lente mutation. Ce suspense questionne l’avenir. Et alors que les jardins sont des refuges pour les dissidents, les résistants, les recherchés ou celles et ceux qui tentent de fuir, à qui se fier dans la ville-bocage ? Qui envahit vraiment Beyrouth ? Un jardin peut-il exploser ? Où est-ce que ce sont les tiges de cet aloe qui forment l’image figée d’une explosion ? Ce jardin peut-il être un refuge pour cette ville et ce film, la recherche d’une trêve ? »
(Clémence Arrivé – Cinéma du réel)
Dans Resilience Overflow l’élaboration d’une souche bactérienne génétiquement modifiée pour produire le gène de la résilience questionne les modes d’alliances possibles entre l’humain-e et le microbiologique, en collaboration avec le laboratoire de microbiologie moléculaire environnementale du centre national de biotechnologie de Madrid. La bactérie, isolée de l’intestin de l’artiste, est génétiquement modifiée pour incorporer et produire le neuropeptide humain Y, un gène lié à la résilience humaine, et devient une usine microscopique de production de médicaments. Le projet spécule sur la libération de la souche dans le système d’eau de Beyrouth, questionnant ainsi la résilience en tant que prétexte politique et examinant le rôle de l’individu en l’absence de l’État ainsi que les modes d’alliance possibles entre le monde humain et le monde microbiologique.