
L’atelier Mediterranea MedI-CARE de l’Iméra est un atelier de recherche-création qui porte une attention dissidente à la Méditerranée en approfondissant le questionnement de notre rapport au monde vivant en Méditerranée et à ses représentations.
À travers la grille de lecture des arts (architecture, cinéma, littérature, photographie, peinture), des sciences de tous horizons, des scénographies visuelles, sensorielles, gestuelles, de l’histoire sociale et migratoire, des patrimoines visibles et invisibilisés, il s’agit de réfléchir, d’inventer et de déployer les variations de la Méditerranée, entre passé et présent, en lien avec les défis écologiques et environnementaux de son futur, dans un contexte à la fois global et local.
Atelier de recherche-création autour des dynamiques spatio-temporelles et des transitions environnementales en Méditerranée
Ces moments d’échange et de co-création réunissant artistes, acteurs de la société civile, chercheuses et chercheurs interdisciplinaires et internationaux (architectes, cinéastes, anthropologues, océanographes, historiens, scénaristes, écrivains, géographes, sociologues, etc…) permettront d’explorer ensemble ce qui fait Méditerranée. Ils tendront à façonner l’éclosion d’une œuvre individuelle et collective en devenir qui pourra se concrétiser sur la page et sur la toile, tel un carnet de bord, que chacun.e viendra alimenter de ses entrées, pour y tester ses hypothèses de travail, et naviguer dans une sorte de tâtonnement muséal en ligne qui fait écho à notre contemporanéité.
Chacun.e ne sera pas cantonné.e à “sa” discipline ou son pré-carré d’expertise, qui étiquette par commodité autant que par fidélité. Chacun.e sera libre de déployer son inspiration heuristique dans toutes les directions possibles et développer son propos original à partir de matériaux et d’archives communes. Il s’agit de prêter attention à la pluralité des points de vue, des différentes temporalités méditerranéennes sans imposer de récit linéaire. Les trames diachroniques et utopiques sont les bienvenues face aux urgences environnementales en Méditerranée. À l’heure de l’Anthropocène qui convoque questionnements éthiques et éducatifs face aux dérèglements et au réchauffement climatiques, les actions humaines font écho à la figure grecque d’Icare, fils de l’architecte Dédale qui s’est brûlé les ailes pour avoir volé trop près du soleil et pour finir par chute en mer, et nous ramènent à nos responsabilités générationnelles du « care » pour la Méditerranée.
L’atelier a vocation de devenir pérenne et à rassembler des artistes et scientifiques, ouverts aux résidents de l’Iméra selon leurs dispositions et selon des périodicités flexibles, en prenant comme point d’interrogation une ou deux œuvres collectives à re-interpréter, repenser, détourner.
Atelier 2025 : MedI-CARE
L’atelier Mediterranea MedI-CARE de l’Iméra se veut un lieu de réflexion, d’émancipation créatrice et d’invention plurielle autour de la Méditerranée saisie en tant que laboratoire conceptuel et concret de notre devenir planétaire et proposera des voix et des voies à la fois dissidentes et inclusives du futur des mondes méditerranéens.
Du 9 au 13 juin 2025 se tiendra à Nice la troisième conférence de l’océan de l’Organisation des Nations Unies (UNOC3) orchestrée par la France et le Costa Rica, réunissant États membres, représentants de la société civile (scientifiques, ONGs, compagnies), conférence qui sera précédée du One Ocean Congress sur les sciences de la mer organisée par le CNRS et l’IFREMER, et consacré à une trame thématique allant de la protection des écosystèmes marins et littoraux à la décarbonisation du transport maritime, de la lutte contre la pollution plastique à l’analyse des causes de la perte de biodiversité marine.
Nous proposons dans notre atelier méditerranéen de recherche-création de faire un pas de côté pour porter une attention dissidente à la Méditerranée de 2030 en puisant dans celle de 1930, et réfléchir ainsi à “l’envers et l’endroit” de la Méditerranée à l’aune de cette manifestation onusienne qui verra Nice sous le feu des projecteurs planétaires en juin 2025 :
- Il s’agira de réfléchir et d’imaginer la Méditerranée en partant du film À propos de Nice (23min), tourné par Jean Vigo et Boris Kaufman au moment du carnaval de Nice de 1930, dans le cadre de la série des “cités symphonies” et mis en musique par Marc Perrone.
- Il s’agira de suivre librement la méthodologie adoptée par l’artiste Sophie Calle dans son œuvre collective Prenez soin de vous, projet artistique autant qu’humaniste et thérapeutique, et de prendre soin du film de 1930 selon sa discipline, son art et sa sensibilité, en proposant votre regard ancré au XXIème siècle sur le propos de Vigo-Kaufman sur la baie des anges de 1930.
L’une des ambitions affichées de l’UNOC3 est de « mettre en œuvre l’objectif de développement durable n°14 (ODD 14) sur l’environnement marin” pour conserver et exploiter durablement les océans et “soutenir le développement d’une économie bleue durable”. “Conserver, exploiter, soutenir” : d’une part, face à ce creuset d’intention tryptique, le documentaire sociopolitique de Vigo est un constant “point de vue documenté” (Vigo), presque vertigineux, qui « conserve » Nice et participe à sa patrimonialisation en puisant dans le patrimoine visible et « dissonant », exploite son folklore et soutient une autre lecture, irrévérencieuse loin de l’image d’Epinal qui est elle-même détournée quand elle est mise en scène.
Appréhendé sous le prisme des humanités environnementales, il permet de complexifier et de faire circuler le regard sur les enjeux de l’UNOC3 sur l’exploitation des océans, l’urgence climatique face aux inégalités sociales et territoriales, sur ce que charrie la laisse de mer face à l’érosion du littoral, à une analyse globale sur l’impact de l’agentivité humaine sur la construction et la destruction du littoral méditerranéen et sur ses représentations artistiques.
D’autre part, l’omniprésence du tourisme, des jeux populaires aux loisirs d’élite, des apports migratoires au folklore du carnaval, du patrimoine immatériel au bâti architectural à l’appel de l’horizon fédère aussi le propos de Vigo-Kaufman et celui de notre atelier. Tous ces visages de Nice qui se multiplient dans le film de 1930 sous l’œil fluide de la caméra, offrent à l’esprit et à l’imagination des pistes heuristiques et des outils conceptuels de décryptage de l’histoire et du sens de l’appartenance méditerranéenne dans nos sociétés hyper-connectées, en miroir-écho de ceux de 1930. Ce foisonnement visuel au rythme décapant et au montage insolent, emprunt de poésie surréaliste, fonde le propos radical sur Nice, vivant déjà sous l’ère de Jean Médecin, maire de Nice depuis 1928. Saisi au tournant du cinéma muet, À propos de Nice nous invite à une constellation de possibles heuristiques, à l’image du feu d’artifice d’ouverture.
Nous proposons à chacun.e de livrer son interprétation du film À propos de Nice de Vigo-Kaufman, du point de vue de sa discipline et de ses propres interrogations vives de 2025. Que chaque interprétation soit une (re)lecture, une ré-écriture, une extension flâneuse ou une projection actualisée, à l’aune de “l’heure méditerranéenne” du congrès des océans de Nice de juin 2025 et permette de faire le (contre-)point évolutif d’une rencontre à l’autre, dans un océan de configurations possibles autour de l’environnement marin et urbain du littoral niçois, en pouvant s’autoriser des passerelles avec d’autres littoraux de part et d’autre des océans.