À l’heure où fleurissent les projets de « science citoyenne », Marc Calvini-Lefebvre, ancien chercheur en congé-recherche à l’Iméra / AMU Fellow (2022-23), réunit le 15 avril un panel interdisciplinaire pour éclairer les enjeux scientifiques, institutionnels, épistémologiques et politiques induits par cette appellation.
Conférence ouverte au public le matin.
Citoyenne, la Science?
Le 15 Avril 2024 de 9h à 13h
à l’Iméra, salle de conférence de la Maison des astronomes
La participation de non-spécialistes à des projets scientifiques locaux ou nationaux, qu’il s’agisse de déterminer la qualité de l’eau d’une rivière ou de compter les oiseaux dans son jardin, est un phénomène aussi ancien que la démarche scientifique elle-même. Il a pris cependant une ampleur inédite depuis le tournant numérique des années 2000, dans un contexte où l’accent était mis – par les instances politiques comme par la communauté scientifique elle-même – sur la nécessaire « démocratisation des savoirs ». Depuis, l’appellation « science citoyenne », forgée dès les années 1980, tend progressivement à s’imposer pour caractériser des projets scientifiques d’ampleur impliquant le public dans la collecte et/ou l’analyse des données. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ?
Cette conférence interdisciplinaire ouverte au public propose d’éclairer cette question via trois grandes interrogations :
- En quoi la science “citoyenne” est-elle distincte de la science “participative”? L’étiquette “citoyenne” est-elle accolée pour convaincre de la “pertinence” ou de “l’actualité” d’un projet scientifique, ou sert-elle une autre fonction ?
- En quoi la citoyenneté des participant·es importe-t-elle dans ces projets ? S’agit-il de faire appel au « sens civique » de chacun/e, dans une conception de la citoyenneté éclairée héritée des Lumières, qui supposerait que participer au travail scientifique serait, comme voter ou payer ses impôts, un devoir citoyen ? Ou bien cherche-t-on à « éduquer/éclairer » les participant·es dans l’espoir que leur conscience civique soit éveillée et activée dans le sens d’une transformation politique que le projet implique sans pouvoir nécessairement l’appeler de ses vœux, impératif de neutralité axiologique oblige? Ou autre chose encore ?
- Et si ce sont bien des citoyen·nes que l’on mobilise et non simplement des participant·es, quelles conséquences sur la conception, le pilotage et l’organisation du projet ? En d’autres termes, si la condition citoyenne est une condition d’égalité, le projet scientifique peut-il encore être conduit sur un modèle hiérarchique où l’expertise légitimerait l’autorité, ou doit-il, pour être « citoyen », inévitablement adopter des pratiques et des modes de décision démocratiques où chaque voix pèse le même poids? Et quelles conséquences, alors, pour la science qui en résulte ?
Ces questions seront éclairées par quatre interventions. Marc Calvini-Lefebvre, historien, et Alexandre Santerne, astrophysicien, proposeront un retour d’expérience à partir de leurs projets de science citoyenne respectifs. Raphaëlle Bats, sociologue, et Gefion Thuermer, gestionnaire du projet européen IMPETUS sur les sciences citoyennes, offriront ensuite des perspectives macroscopiques, aussi bien épistémologiques qu’institutionnelles, de ces sciences citoyennes en pleine expansion.
8h30 : Réception & Café
9h : Ouverture de la conférence, par Enrico Donaggio, directeur de l’IMERA
9h15-10h : Crowd-sourcing the suffrage past: a project (mostly) for the citizens, (not enough) by the citizens and (entirely) about citizenship (then…& now?), by Marc Calvini-Lefebvre (Aix-Marseille Université)
10h-10h45 : La quête du pluralisme cosmique à portée des citoyen·nes, par Alexandre Santerne (Aix-Marseille Université)
10h45-11h15 : Pause Café
11h15-12h : Challenges for ethical data practices in citizen science, by Gefion Thuermer (King’s College London)
12h-12h45 : Jeux de citoyenneté : à quoi nous engagent les sciences participatives ?, par Raphaëlle Bats (Université de Bordeaux)
Marc Calvini-Lefebvre est Maître de Conférences en civilisation britannique du 19e siècle au Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (UR 853) d’Aix-Marseille Université. Il a approfondi, pendant son séjour à l’IMERA en 2022-2023, le projet de science citoyenne qu’il pilote sur la mémorialisation du mouvement pour le droit de vote des femmes partout dans le monde. Intitulé Sites and Agents of Feminist Memory et impliquant des collègues du Centre de Réalité Virtuelle de la Méditerranée (CRVM) et de la plateforme Humain & Humanités, Corpus & Comportement (H2C2), ce projet fut lauréat de l’Appel Blanc 2022 de l’Initiative d’Excellence Aix-Marseille (A*Midex).
Raphaëlle Bats est co-responsable de l’Urfist de Bordeaux – Université de Bordeaux et membre associée du Centre Emile Durkheim. Elle a soutenu en octobre 2019 sa thèse : « De la participation à la mobilisation collective, la bibliothèque à la recherche de sa vocation démocratique » (dir. Denis Merklen et Etienne Tassin). Elle mène aujourd’hui différents projets sur le rôle des institutions de savoir face au changement climatique, en observant notamment le développement des sciences participatives et les nouvelles pratiques médiatiques. Elle pilote le projet de recherche ECODOC qui vise à concevoir un dispositif de dialogue entre les informations scientifiques et profanes sur des territoires en transition. Ses recherches sont un écho à son engagement dans le programme IAP, « International Advocacy Programme », dès 2016 et dans le pilotage d’un groupe de travail national « Bibliothèques françaises et Agenda 2030 » entre 2017 et 2020. Elle est membre du groupe de travail « Citizen Science » de LIBER depuis juin 2021.
Alexandre Santerne est astrophysicien à l’université d’Aix-Marseille et au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. Il est expert dans la recherche et caractérisation d’exoplanètes, ces mondes autour d’autres étoiles. Il est notamment impliqué dans la mission spatiale PLATO de l’agence spatiale européenne dont l’objectif sera de découvrir des planètes analogues à la Terre. Alexandre est également impliqué depuis plus de 10 ans dans des collaborations entre professionnels et amateurs en astronomie et a d’ailleurs reçu le Prix GEMINI 2020 de la société française d’astronomie et d’astrophysique ainsi que de la société d’astronomie française pour ses travaux avec les astronomes amateurs.
Gefion Thuermer is the Head of Research at the Open Data Institute, and a Research Fellow at King’s College London. She is the technical and scientific coordinator of IMPETUS, a Horizon Europe coordination and support action that provides resources, support and recognition for citizen science initiatives across Europe. She holds a BA in cultural sciences, and an MSc and PhD in Web Science. Her research is interdisciplinary by default, focuses on the intersection of people, data and technology, and aspires to enable inclusive engagement wherever people use technology to achieve goals together. Gefion has previously worked in citizen science with the ACTION project, where she developed a toolkit for citizen science, and on data innovation in MediaFutures and Data Pitch, where she developed toolkits for data innovation and data sharing, respectively.