Un atelier de travail organisé par Gabriella Crocco en collaboration avec : Michael Koslowski, Arnaud Rey
Santé mentale un enjeu complexe
Selon l’OMS les troubles psychiques concerneraient une personne sur quatre dans le monde. En France, ces troubles occasionnent chaque année plus de 10 000 suicides et près de 200 000 tentatives de suicide. Parallèlement, la vente d’antidépresseurs a été multipliée par sept entre 1980 et 2000. Les effets des deux dernières années de pandémie n’ont fait que mettre devant les yeux de chacun la gravité d’un problème qui ne fait chaque année que se complexifier : saturation des consultations chez les psychiatries et les psychologues; inadéquation des structures publiques de soutien dans les écoles, les universités, les lieux de travail, les prisons, les maisons de retraites; explosion de la consommation des psychotropes, anxiolytiques et antidépresseurs dans l’impossibilité de mettre en place des thérapies de parole; introduction de téléconsultations dans le flou générale d’une analyse des bienfondés de ce mode de consultation thérapeutique.
Quelle qu’ait été l’envergure des politiques de santé public mises en œuvre depuis quarante ans, face à cette situation dramatique, toute nouvelle action politique demande d’être accompagnée par une réflexion théorique de fond. Il s’agit en particulier d’analyser dans une perspective interdisciplinaire trois aspects essentiels de la question.
Le premier aspect concerne le bilan en termes de problème de santé publique. Les données statistiques du problème sont bien en possession des institutions publiques, mais leur interprétation demande un travail de fond. Il semble y avoir un lien clair entre l’explosion de la souffrance psychique dans tous les domaines et les changements anthropologiques et sociaux auxquels tout individu de nos sociétés post-industrielles a été soumis dans les quarante dernières années, en termes de d’accélération des rythmes de vie et de multi-tasking. Sur fond de révolution numérique ces derniers ont provoqué des changements profonds touchant toutes les sphères des interactions et des représentations sociale (de l’école, au travail, à la famille, au divertissement, à la réalisation de soi, au vivre en commun). Analyser et comprendre les statistiques de santé publique à la lumière de ces grandes mutations est une étape indispensable pour le traitement du problème. Sur ce thème le dialogue avec les sciences sociales semble également indispensable.
Le deuxième aspect concerne la définition du concept de santé mentale. Tout trouble mental ne peut être défini que par rapport à une norme qui reste souvent implicite, et qu’il conviendrait d’analyser au moins dans ses aspects théoriques fondamentaux. L’arrivée des DSM, les manuels de diagnostic et statistique des troubles mentaux publiés depuis 1943 par l’association des psychiatres américains a profondément modifié le débat sur la question. Fondés sur les données des hôpitaux et construits par une approche inductive, ces manuels semblent souvent subordonner la définition du trouble aux moyens pharmacologiques capables d’en soigner les symptômes. Il s’agit donc de reprendre à nouveaux frais le débat sur la question de la caractérisation de la santé mentale et tout particulièrement :
a) de prendre en compte les concepts et les résultats récents des neurosciences qui, à travers l’interprétation des traces neuronales en termes de représentation de l’expérience vécue essaye de réinterpréter la santé mentale par le concept de plasticité et d’homéostasie cérébrale;
b) de prendre en compte le débat théorique, philosophique, psychanalytique et anthropologique sur la définition du concept de santé mentale, tel qu’il se dégage des grandes œuvres théoriques du XXème siècle et donc des formes pathologiques corrélatives qui ont été identifiées (névroses, psychoses etc.…)
Enfin, le dernier aspect concerne la clinique et les différentes formes de thérapie qui ont été développées au cours des dernières décennies intégrants ou non les traitements pharmacologiques. La politique de santé sur ce problème ne peut pas faire l’impasse de la reconstruction historique et le bilan des différents courants qui se sont affrontés dans le débat sur les formes de la clinique, de l’antipsychiatrie des années 70-80 aux thérapies cognitivistes et comportementalistes au tournant du XXI siècle, à la diversification des thérapies de paroles d’inspiration psychanalytique.
Pour l’année académique 2023/2024 les dates des ateliers sont les suivantes : 22 septembre 2023 20 Octobre 2023 17 Novembre 2023 15 décembre 2023 19 Janvier 2024 15 Mars 2024 19 Avril 2024 17 Mai 2024 21 Juin 2024 |
19 Janvier 2024 : Jean-Charles Bernard Hôpitaux de Marseille Assistance Publique, Prison des Baumettes
« Le soin psychique en milieu carcéral »
Après une brève présentation de son parcours, Jean-Charles Bernard nous présentera les spécificités d’une pratique psychiatrique en milieu carcéral, sa réalité, l’inévitable relativité de ses résultats et les questions théoriques qu’elle pose à la psychiatrie. L’accès aux soins en prison se fait dans un lieu où le lien entre difficultés psychiques et détention est inextricable (en écho avec la continuité soulignée lors de la présentation de décembre entre difficultés psychiques et pauvreté). Pour tenter de peindre un peu la spécificité du travail psychique en prison, nous nous pencherons sur la spécificité de la question du déni via le texte de Canino 2008. Enfin, nous clôturerons la présentation sur une question éthique : le soin des souffrances psychiques est-il finalement possible en prison, c’est-à-dire dans des conditions qui sont difficile pour la santé mentale ?
Article proposé : Rémy Canino LA RELATION CLINIQUE FACE AUX PROCESSUS DE DÉNI CHEZ LES SUJETS CRIMINELS : « Bulletin de psychologie » 2008/1 Numéro 493 | pages 17 à 29 (https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2008-1-page-17.htm)
15 Décembre 2023 John Naslund (Harvard Medical School)
Psychosocial Interventions for Mental Health Promotion and Poverty Alleviation: Opportunities to Advance Economic Development
1. Discussion sur les objectifs, les méthodes/approches et les prochaines étapes de la préparation d’une proposition à soumettre au Fond d’Innovation pour le Development (FID) afin d’évaluer une intervention psychosociale comme moyen de traiter les problèmes de santé mentale tout en promouvant le développement économique.
2. Discutez d’un exemple d’essai réussi mené au Niger qui a été récemment publié dans Nature : Thomas Bossuroy, Markus Goldstein, Bassirou Karimou, Dean Karlan Harounan Kazianga, William Parienté, Patrick Premand, Catherine C. Thomas, Tackling psychosocial and capital constraints to alleviate poverty (Nature 2021) https://doi.org/10.1038/s41586-022-04647-8
17 Novembre 2023 Arnaud Rey Chercheur CNRS, LPC : Michel Foucault et le Behaviorisme
Présentation à partir de Michel Foucault Maladie Mentale et personnalité, Chapitre 6, La psychologie du conflit : https://amubox.univ-amu.fr/s/zHiL9EjMLHfdYCN)
20 Octobre 2023 Gabriella Crocco, Pr AMU, Explorations interdisciplinaires
Présentation et discussion du livre de Michel Foucault Maladie Mentale et psychologie.
Le début des années 1950 est pour Michel Foucault une période de travail philosophique mais aussi de découverte, autant en littérature qu’en psychologie et en psychiatrie : il obtient les diplômes de psychopathologie et de psychologie expérimentale en 1952 et 1953 et suit à Sainte-Anne le séminaire de Lacan. Dans ce texte, publié en 1954, Michel Foucault remarque que « la psychologie n’a été possible dans notre monde qu’une fois la folie maîtrisée ».
« S’il apparaît tellement malaisé de définir la maladie et la santé psychologiques, n’est-ce pas parce qu’on s’efforce en vain de leur appliquer massivement des concepts destinés également à la médecine somatique ? Par-delà la pathologie mentale et la pathologie organique, il y a une pathologie générale et abstraite qui les domine l’une et l’autre, leur imposant, comme autant de préjugés, les mêmes concepts et leur indiquant les mêmes méthodes comme autant de postulats. Nous voudrions montrer que la racine de la pathologie mentale ne doit pas être cherchée dans une quelconque « métapathologie », mais dans un certain rapport, historiquement situé, de l’homme à l’homme fou et à l’homme vrai. » M. Foucault, Introduction
22 Septembre 2023 : Planification des activités de l’année 2023-24
1) Construction du programme de l’atelier 2023-24 :
Pour l’année 2023-4, l’atelier alternera des séances de lecture collective et de discussion d’articles et d’ouvrages sur le thème de la Santé Mentale dans tous ses aspects sociaux, théoriques et cliniques à des conférences invitées sur des thèmes spécifiques visant l’approfondissement des problèmes liés à des lieux où le problème de la santé mentale est concrètement et quotidiennement présent (centres de soins palliatifs, écoles et systèmes éducatifs, centres d’accueil de migrants, prisons, hôpitaux et services d’urgences).
2) Mise en Chantier du livre collectif sur La Renaissance des psychédéliques en France
contributions interdisciplinaires au débat sur l’ouverture d’essais clinique en France dans le domaine de la psychiatrie et de la thérapie des dépressions résistantes à tout traitement médicamenteux, de patients en fin de vie, des troubles anxieuses et des problèmes d’addictions. Le livre sera édité par Michael Koslowski (HP La Charité Berlin, résident Iméra 2022-23) et Zoé Dubus (historienne de la médecine, AMU) et récoltera les contributions des certains des participants à l’atelier Santé Mentale.
7 Juillet 2023 Silvia Torresin, psychothérapeute, au Centre de soin Osiris (Association de soutien thérapeutique aux victimes de torture et de répression politique).
Psychanalyse, ethnopsychiatrie, ethno-thérapie ?
Pour que la discussion avec ceux qui travaillent à comprendre et à résoudre les manifestations de la souffrance puisse porter ses fruits, une réflexion sur la valeur supposée universelle des disciplines de la psyché est nécessaire. Dans les rencontres avec d’autres savoir-faire (thérapeutiques) émergent des nœuds critiques de la psychanalyse et de la psychiatrie qu’il est utile d’analyser et de critiquer dans un cadre interdisciplinaire.
En d’autres termes : la contamination entre les mondes et l’hybridation culturelle par lesquelles notre monde est traversé ont conduit à ce que l’on a appelé la « globalisation des catégories en psychiatrie » suite à la diffusion du modèle médical dominant à travers le DSM. Ces changements nous obligent aujourd’hui à penser différemment les rapports entre psychiatrie et cultures.
Un article préparatoire : La mondialisation des catégories : la dépression à l’épreuve de l’universel, Adriana Petryna et Arthur Kleinman, dans L’Autre 2001/3 (Vol. 2), pages467 à 480, https://www.cairn.info/revue-l-autre-2001-3-page-467.htm
Vendredi 2 Juin 2023 Présentation de Arnaud Rey (CNRS LPC AMU) sur l’Article de R. Carhart et K.J. Friston sur l’Entropic Brain (voir pj) et discussion générale
R. L. Carhart-Harris and K. J. Friston : The default-mode, ego-functions and free-energy: a neurobiological account of Freudian ideas, Brain 2010: 133; 1265–1283
Cet article explore l’idée que les constructions freudiennes peuvent avoir des substrats neurobiologiques. Plus précisément, nous proposons que les descriptions par Freud des processus primaires et secondaires soient cohérentes avec l’activité auto-organisée dans les systèmes corticaux hiérarchiques et que ses descriptions de l’ego soient cohérentes avec les fonctions du mode par défaut et ses échanges réciproques avec les systèmes cérébraux subordonnés. Ce compte rendu neurobiologique repose sur une vision du cerveau comme une machine d’inférence hiérarchique ou machine de Helmholtz. Dans cette optique, les réseaux intrinsèques à grande échelle occupent des niveaux supérieurs de systèmes cérébraux hiérarchiques qui tentent d’optimiser leur représentation du milieu sensoriel. Cette optimisation a été définie comme la minimisation d’une énergie libre, un processus qui est formellement similaire au traitement de l’énergie dans les formulations freudiennes. L’article essaye d’étayer cette synthèse en montrant que les descriptions du processus primaire de Freud sont cohérentes avec la phénoménologie et la neurophysiologie du sommeil à mouvements oculaires rapides, de l’état psychotique précoce et aigu, de l’aura de l’épilepsie du lobe temporal et des états liés aux drogues hallucinogènes.
Vendredi 5 Mai 2023 Reprise de la discussion collective sur la mise en place d’un groupe de travail pour la rédaction d’un livre grand public sur la renaissance des psychédéliques.
Discussion sur les grandes thématiques à aborder dans le livre(Essais cliniques, Histoire de l’usage thérapeutique des substances psychédéliques, relation de leur prescription avec la thérapie de parole, analyse comparative de leur emploi dans d’autres cultures, rapport aux expériences de la pleine conscience/mindfulness et questions éthiques); première distribution des rôles et liste des personnalités à contacter.
Vendredi 7 avril de 10h à 12h Discussion générale
1) Bilan de l’initiative du 8-9 mars sur les essais cliniques autour de la renaissance des psychédéliques en psychiatrie
2) projets de travail et thèmes de discussion futurs : lancement du projet éditorial d’un livre sur la question.
8/9 Mars : Workshop international et intervention publique sur la « renaissance » de la recherche et la thérapie aux psychédéliques en France
Cet événement public et l’atelier de 2 jours sur la conception et la planification d’essais cliniques avec la thérapie psychédélique ont été organisés principalement par le résident d´Iméra Dr. Michael Koslowski, et réalisés en association avec la section « médecine psychédélique » de l’Association Française de Psychiatrie Biologique et de Neuropsychopharmacologie (AFPBN). Pour la programmation détaillé, voir ici : https://www.imera.fr/ressources/la-renaissance-des-psychedeliques-en-psychiatrie-ou-en-est-la-france/
L’initiative était divisée en deux parties :
Voici la liste complète des intervenants à ces journées : Gerhard Gründer, Lea Mertens, Ricarda Evens, Tomislav Majic, Felix Betzler, Luc Mallet, Anne Buot, Charles Daure, Margot Morgieve, Luna Beauvallet, Michael Ljuslin, Vincent Verroust, Bruno Romeo, Lucie Berkovitch, Benjamin Wyplosz, Marion Barrault, Jorge Lopez-Castroman, Amandine Luqiens, Robertas Strumila, Arnaud Rey, Gabriella Crocco, Zoë Dubus, Vincent Girard, Sylvain Dejean, Sebastien Tassy, Michael Koslowski.
Vincent VERROUST, Paris : « Medical use of psychedelics in France: what can we learn from history for the future ? »
Dr. Michael KOSLOWSKI, Marseille/Berlin : « The renaissance of psychedelics in psychiatry »
Dre. Lucie BERKOVITCH, Paris : « Starting over again: Upcoming clinical trials with psychedelics in France »
Les présentations était suivi par une table ronde, avec Prof. L. Mallet, Prof. G. Gründer, MSc. L. Mertens, MSc. V. Verroust, Dre. L. Berkovitch, Dr. Z. Dubus, Dr. M. Koslowski.
Janvier 2023 Présentation de Nancy Hunt (résidente Iméra), University of Califorina Hôpitaux, soins psychiatriques et global Mental Health à Bukavu (République Démocratique du Congo)
La discussion a été préparée à partir de la lecture de l’article “Espace, temporalité, et rêverie : Écrire l’histoire des futurs au Congo belge,” in special issue, “Politiques de la nostalgie,” eds. Guillaume Lachenal and Assitou Mbodj, Politique Africaine, no. 135 (octobre 2014): 115-36. (https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2014-3-page-115.htm)
Septembre 2022 Démarrage de l’atelier. Le concept de Santé Mentales, une notion difficile : données, problèmes, aspects théoriques et pratiques.
17 Novembre 2022 présentation de Yulin Hswen, (résidente Iméra) Harvard Medical School- University of California San Francisco, Epidemiology in Mental Health
13 Décembre 2022 présentation de Kate Watkins Résidente Iméra University of Oxford, Département of experimental psychology : Time to speak, Imaging and stimulating the brain in people who stuttered.
Membres de l’atelier
Les résidents Iméra pendant leur séjour :
Yulin Hswen, Rose Nancy Hunt, Kate Watkins, Christophe Bruno, Michael Koslowski, Fenna Polietek, John Naslund.
Les chercheurs de l´AMU, psychiatres, psychothérapeutes, acteurs de terrain, artistes :
Marie Arthuis (Psychiatre, Département de Neurologie, La Timone, Marseille), Jean-Charles Bernard (Psychiatre, HP Prison des Baumettes, Marseille), Michel Cermolacce (Psychiatre, Département de psychiatrie, Hôpital St Marguerite Marseille), Mansuy Colin (Psychothérapeute, Marseille), Zoé Dubus (Historienne de la médecine, AMU), Pierre Guéry (Écrivain, Performeur, Marseille), Christophe Lançon (Psychiatre, CHU psychiatrie Marseille), Alice Guyon (Chercheuse en Neurosciences, DR CNRS), Frédéric-Guillaume Irace (Psychanalyste, Enseignant au département de Psychologie AMU), Agnès Trebuchon (Neurologue, Institute of neuroscience La Timone, Marseille), Arnaud Rey (Psychologue, CNRS, LPC, AMU) Victoria Pellé Reimers (Psychologue), Silvia Torresin (Enthnopsychologue, Association Osiris, Marseille), Eric Villard (Psychiatre, Psychanalyste, Responsable du DESU Psychanalyse, clinique et institution AMU).