Itay Lotem, titulaire de la chaire EHESS/Iméra – Etudes transrégionales 2025-2026, organise une journée d’études sur l’état du débat public sur la race en France, les 13 et 14 janvier 2026 à l’Iméra.
Interroger l’état du débat public sur la race en France
Cet événement de deux jours interroge le débat public sur la race en France et en particulier ses transformations au cours des deux dernières décennies. Nous proposons notamment une réflexion sur les mouvements de bascule dans l’espace public entre visibilité et état continu de tabou institutionnel à propos du sujet de la race.
Traditionnellement, le débat politique français a adopté une logique républicaine et universaliste, dite aveugle à la couleur de peau, considérant le racisme comme une déviation ou bien aberration individuelle dans un État attaché à l’égalité de tous les citoyens. Cette logique avait assimilé la lutte contre le racisme à une volonté d’éliminer toute distinction entre les groupes afin de rester fidèle à un idéal universaliste « sans distinction de couleur ». En conséquence, le mot même de « race » avait été discrédité en raison de son association avec les théories de la race de l’extrême-droite et le nazisme.
Les luttes françaises – et européennes – contre le racisme s’étaient donc attachées à l’idée d’une société « déracialisée », excluant les distinctions entre groupes et le vocabulaire de la race. Ceci ne laissait pas de place pour l’interrogation des « race relations », qui impliquaient de considérer la race non pas comme une catégorie biologique issue de la « science raciale » du XIXe siècle, mais comme une catégorie sociale qui détermine les relations sociales et à la compréhension de la différence dans les sociétés postcoloniales. Néanmoins, le discours de « racisme sans race » entraine une contradiction : si l’existence des processus de racialisation ne peut être expliquée ouvertement, comment est-il possible de lutter contre le racisme tout en donnant un sens aux réalités des diverses sociétés européennes postcoloniales ?
Combattre le « tabou » républicain
Au milieu des années 2000, cependant, une nouvelle génération de militants émerge pour dénoncer l’« hypocrisie » républicaine. Ces militantes et militants développent des stratégies discursives visant à combattre le « tabou » républicain qui consiste à aborder la question raciale comme un objectif antiraciste. Pour ce faire, ils articulent la question raciale en s’inspirant de la littérature anglophone sur les relations raciales, en mettant en avant les analyses postcoloniales.
Cependant, avec l’émergence de nouveaux débats publics sur l’histoire coloniale de la France et la « question raciale », de nouvelles contradictions ont émergé dans les sphères publique, militante et universitaire françaises. D’un côté, les thèmes et le vocabulaire de la « race » ont gagné en visibilité au travers de débats houleux. Ce fut notamment le cas lorsque l’attention croissante des militants et des universitaires à la question raciale avait suscité un contrecoup de la part d’acteurs républicains et de l’extrême droite. De l’autre, la violence de ces débats n’a fait que renforcer l’argument discursif concernant le « tabou » entourant le simple fait de parler de race. De même, dans les sphères intimes, le vocabulaire de la race est devenu de plus en plus important et utilisé, souvent accompagné d’un malaise qui ne fait que démontrer le poids du tabou social qui l’entourait auparavant.
Pour compliquer encore les choses, ces nouveaux débats ont fréquemment opposé le caractère « importé » des débats sur la race à un modèle républicain « français » qui devait préserver le modèle « colour blind » comme utopie républicaine. Mais, malgré l’acrimonie, la « race » est-elle toujours un tabou, ou est-il nécessaire de réévaluer sa place dans le débat public français ? Pour éviter de perpétuer les mêmes débats circulaires, existe-t-il un moyen de dépasser le tabou et d’aborder les changements apportés par les défis actuels ? Et quelles sont les implications de ces changements pour l’avenir ?
Explorer cette politisation en évolution constante
Cette conférence vise à réunir des experts et des acteurs sociaux impliqués, par leurs recherches et autres activités, dans les transformations du débat public sur la race en France, afin d’explorer le sens de cette politisation en évolution constante.
- Comment la mobilisation de différents acteurs a-t-elle modifié l’attention et la compréhension de la question raciale en France ?
- Comment la question raciale a-t-elle été politisée, autant par les stratégies antiracistes que par les réactions d’extrême droite ?
- Comment différents acteurs en France – militants, responsables politiques, universitaires ou journalistes – ont-ils interprété la question raciale par inspiration ou au contact de penseurs et de mouvements internationaux, et comment l’ont-ils articulée publiquement ?
- Comment la mobilisation et l’interprétation de la question raciale ont-elles traversé différentes expériences vécues, incluant des catégories intimes et publiques/institutionnelles ?
- Dans quelle mesure le terme « tabou », qui a été une stratégie de mobilisation efficace, est-il pertinent pour décrire l’état du débat public à différentes époques, et quelles sont les implications futures d’un débat aussi acrimonieux ?
Programme
Mardi 13 janvier 2026
Trois tables rondes
- Horaires : de 10h à 18h
- Lieu : Maison des Astronomes, Iméra (2 place Leverrier 13004 Marseille)
Mercredi 14 janvier 2026 (matin)
Séance de conclusion
- Horaires : de 10h à 12h
- Lieu : Maison des Astronomes, Iméra (2 place Leverrier 13004 Marseille)
Mercredi 14 janvier 2026 (après-midi)
Balade vers la Friche Belle de Mai.
Venir à l’Iméra
- Accès piéton : rendez-vous au portillon du 2 place Leverrier, 13004 Marseille.
- Accès PMR : entrée par l’Allée Jean-Louis Pons, 13004 Marseille.